Carnet de bord Berlin
J'écris ces lignes dans le train qui me conduit à Berlin, où je vais rester du 25 octobre au 3 novembre 2025, pour y assister au festival inkl., au
Deutsches Theater, qui conclu le projet pik (Programm für inklusive Kunstpraxis), un programme fédéral pour l'inclusion des artistes handicapés
sur les scènes professionnelles allemandes.
inkl. festival
Je vais profiter de cette expérience pour nourrir mon projet de recherche sur les corps handicapés dans le spectacle vivant
et tenir un carnet de bord numérique, où je consignerai analyses et réflexions.
Faisant d'une pierre deux coups, je vais ainsi m'entraîner à coder en html et en css.
Mais avant ça, je vais voir le premier spectacle de mon programme même s'il n'a rien à voir avec le festival ou mon projet de recherche:
La Cage aux Folles, mise-en-scène par Bary Kosky au Komische Oper.
Le spectacle était très beau et m'a beaucoup plus. La scénographie était très colorée,
avec des références à la culture queer (Tom of Finland par ex), les chanteurs/acteurs étaient excellents et les chorégraphies impressionnantes.
L'histoire est basique mais efficace et les personnages bien construits. J'avais déjà vu deux autres mise-en-scène de Bary Kosky, à Berlin aussi:
L'Opéra de Quat'sous que j'avais adoré, et Orphée aux enfers que j'avais détesté. J'ai passé un très bon moment et ça faisait du bien
de voir un spectacle léger avant tous les spectacles plus sombres ou difficiles que j'allais voir pendant la semaine. Si j'ai le temps je ferais une
analyse plus détaillée.
26/10
Hospital der Geister
Hospital-der-Geister
Cette pièce était programmée dans le cadre du festival inkl. mais je l'ai vue avant le début du festival pour alléger mes journées parce qu'elle dure
cinq heures et que je n'aurais pas eu la concentration nécessaire après une journée de conférences.
Hospital der Geister est une adaptation de la série
L'Hôpital et ses fantômes (Titre original:
Riget) du réalisateur, scénariste et producteur
danois Lars von Trier. La pièce est mise-en-scène par Jan-Christoph Gockel, qui a donc adapté la série pour le théâtre avec Karla Mäder. Je ne connaissais
pas du tout cette série et j'ai donc découvert le synopsis sur le moment. L'intrigue se déroule dans l'hôpital "Das Reich" (l'empire/le royaume), qui tombe
en ruine à cause d'une mauvaise gestion financière, et qui est hanté par le fantôme d'une petite fille. On suit le personnel soignant et les patients de
l'hôpital, ainsi que leurs relations. J'avoue que je n'ai pas tout compris à l'intrigue parce qu'il y a beaucoup d'humour absurde et parce que ça faisait
longtemps que je n'avais pas parlé allemand.
27/10
Diane Arbus, constellation
Diane-Arbus
Exposition au Gropiushaus, photographe qui a beaucoup photographié les marginaux (handi, travestis/trans, homos,...)
La scéno était super intéressante, les photos étaient montées sur les deux côtés de structures 2D en barres noires
au milieu des pièces. Les murs et l'envers de certaines photos étaient couverts de miroirs, ce qui faisait qu'on pouvait
se voir observer les photos, dans un double jeu de regard: le regardeur regardé mais par lui même. Et la question du regard
est particulièrement politique et intéressante quand il s'agit, dans une institution, de regarder des portraits de personnages
marginalisées, dont le nom n'est souvent pas cité, pris par une femme cis, à priori hétéro, blanche et de famille bourgeoise.
Je me suis beaucoup demandé si elle Diane Arbus documentait la vie ou le milieu des personnes qu'elle photographiait,
si elle leur rendait hommage, si la démarche était respectueuse ou si il y avait un certain voyeurisme, misérabilisme, fétichisme
ou dégoût dans les photos. Je n'arrive pas à déterminer si les personnes photographiées sont objets ou sujets du regard, du portrait,
peut être que ça dépend en fonction des portraits et des personnes, des périodes. Je ne m'y connais pas du tout en analyse de photos,
encore moins pour les photos argentiques et je ne saurais pas trancher à partir de ce que j'ai vu et lu de sa vie, mais je pense qu'il
y a une ambiguïté non résolue, entre fascination un peu malsaine et admiration réelle.
C'était aussi intéressant que les photos ne soient pas accrochées dans un ordre logique, ni chronologique, ni thématique ni rien, et qu'elles
aient toutes un numéro attribué apparemment au hasard qui permettait juste de retrouver dans le livret fourni le titre, la date et le lieu de la photo.
Ainsi, on peut laisser dériver son regard et on doit faire l'effort de trouver par soi même le titre de chaque portrait, ou on peut choisir
de juste regarder et s'imprégner des images, des regards qui nous font face, sans se soucier de ce qu'on regarde, se faire sa propre idée.
Même dans le livret avec les références des photos il n'y avait aucun commentaire, aucune explication ni analyse. Le visiteur est laissé
très libre dans sa déambulation, sans vraiment de guide. C'était aussi très désorientant pour l'espace à cause de la ressemblance de chaque salle et
des miroirs au mur, j'ai eu du mal à retrouver la sortie alors qu'il n'y avait pas plus de 5 petites salles (là encore je ne suis même pas sûr
du nombre de salles). Je ne suis pas trop habitué à aller au musée et cette expérience était assez déroutante mais intéressante sur les questions
qu'elle pose sur le regard.